Carnet d'un naturaliste-sportif

Monday, August 20, 2007

Entre plaisir et souffrance


Voici déjà la fin du mois d'août, et bientôt la rentrée des classes, qui m'enthousiasme autant que lorsque j'étais élève, bien que je veuille encore profiter à fond de ces derniers précieux jours, autant que lorsque j'étais élève.

Période de transition donc, mais du point de vue sportif je me trouve en fait au beau milieu de la "saison"!

C'est le moment idéal, je crois, pour revenir sur mes premières courses de l'année depuis le semi-marathon, tout en préparant les suivantes.

Ces épreuves auront été, comme à chaque fois, l'occasion de cotoyer mes limites, y compris pendant la préparation, l'occasion aussi de chercher le courage nécessaire pour avancer, de ressentir de belles et grandes satisfactions, ainsi que de cuisantes difficultés.

A commencer par la première d'entre elles et qui devait être la compétition-phare de l'année 2007: le marathon du Luxembourg.


Je l'avais narré dans ces pages: mon entraînement s'est admirablement bien passé, les sensations étaient bonnes... Et puis, deux semaines avant le jour J, une douleur dans le dos. Puis une vieille tendinite au genou qui se réveille. Etirements, massages, ostéopathie, kiné, allègement de l'entraînement... rien à faire, la douleur était persistante.

Finalement, à deux jours de l'épreuve, mon esprit était empli de doutes, et mes chances maigres, selon moi, de parvenir au bout de l'effort.

Et puis le lendemain, c'était un vendredi, fut une journée mémorable. Il se trouve que j'allais être absent la semaine suivante car je devais participer à un stage. Mes élèves me manquaient déjà d'avance, mais ce jour-là fut ponctué de moments de complicité avec ma classe, et puis l'un ou l'autre (ou devrais-je dire l'une ou l'autre?) me disait que j'allais lui manquer, ce qui me touche immanquablement car je suis une âme -trop- sensible. "C'est pas juste monsieur"; "je reviendrai quand vous reviendrez"; "attention à ne pas trop bronzer" me dit Mélanie (oui, je leur avais expliqué qu'il s'agissait d'un stage de planche à voile au Sénégal).

Entre-midi, je faisais visiter ma classe à mes deux amis Fred et Yannick, avant de partager une pizza de l'amitié dans un parc de la ville. Et enfin, mon maître à penser dans le domaine, qui fut mon professeur de français il y 13 ou 14 ans de cela, vint m'encourager et me donner quelques derniers conseils.

Alors OK, j'étais prêt! J'ai mal au dos, et après? Qu'importe la douleur quand le mental est là! A nous deux, meilleur chrono de 2h55, établi lors de mon premier essai en 2003, je vais te rendre obsolète!


Eh bien non en fait, je n'ai pas réussi. Loin de là. Le parcours, bien moins plat qu'à Paris ne m'a pas facilité les choses, c'est vrai. Et la genouillère que j'avais décidé de mettre au dernier moment m'a finalement plus gêné qu'autre chose, c'est vrai aussi. Mais dès le début, j'ai senti que physiquement, je n'y étais pas. Pour espérer battre mon record je devais me fixer 15 km/h comme allure de base. Et dès le passage au 5000m, j'affichais 21 minutes au compteur, soit une minute de trop. Déjà. Pas grave, me suis-je alors dit, on y croit encore, je vais me lancer et maintenir l'allure.

41 minutes au 10000, ça va. 1h02 au 15000m, cela restait correct mais les premières franches montées m'achevaient. Le rythme n'y était pas, les jambes non plus. J'ai alors commencé à couler pour de bon. 1h28 à la mi-course. Trop lent! Quand on sait que c'est seulement après que cela devient dur. 27ème kilomètre, en plus des jambes lourdes, le coup de barre, à 3 kilomètres du ravitaillement suivant.

Je n'avance plus, chaque pas me coûte, ma foulée n'en est plus une, je m'écroule... Vais-je arriver au bout? 30ème kilomètre en 2h08: 12 minutes de plus qu'en 2003! Bon, c'est terminé. Je saurai désormais que même si le mental est primordial, il ne peut effacer une méforme, tout au plus l'atténuer pendant un temps. Le pire, c'est que je n'ai pas si mal au dos que ça ce jour-là. Mais je me sens tout rouillé. Je me goinfre malgré tout pour reprendre des forces, dans l'espoir de boucler quand même mon quatrième marathon. Coca, isostar, abricot, orange, banane, pain d'épice, tout ce que je trouve.

32ème kilomètre, j'ai à nouveau la pêche! Tout ce que j'ai ingurgité quelques minutes plus tôt fait son effet. Allez! Je vais tenter de limiter la casse. Incroyable, je retrouve une allure de 15 à l'heure, je dépasse tout le monde!


38ème kilomètre. Aïe... C'est bien d'avoir repris des forces, mais j'ai fait ça n'importe comment. Et maintenant, je suis terrassé par des douleurs intestinales. Je dois à nouveau ralentir.

Je vais quand même le finir ce terrible marathon, en 3h13. 18 minutes de plus que mon record, tout de même. Passé la ligne d'arrivée, tout est flou. Je prends une bouteille d'eau, on me met une médaille autour du cou, je reçois une cape en plastique. J'ai froid, je marche, j'ai mal au ventre, je vois trouble. Je descends un escalier, un journaliste d'RTL et son cameraman viennent me poser des questions en anglais. Je réponds, en français, que c'était très dur et que je suis fatigué. Je me remets à marcher, ou à errer devrais-je plutôt dire, puis je passe près d'une heure, je crois, assis sur le bord d'un trottoir, la tête dans mes mains. J'ai toujours froid. Je marche à nouveau, et je vais vomir. Et seulement après je retrouve une complète lucidité et je commence à chercher ceux qui m'accompagnent. Délivrance lorsque je les retrouve, le moral revient. Mais que ce fut difficile! Et je me dis que le subtil équilibre qui doit se faire entre plaisir et souffrance ne se produit pas chez moi lors d'un marathon. Allez, j'en referai un dans 4 ou 5 ans, pas avant.


Rémi et Yannick, quant à eux, ont passé la ligne d'arrivée en bien meilleur état que moi. Bravo à eux!


Chose pour le moins étonnante, voire même un peu rageante, je me suis très vite remis de cette compétition et mon dos m'a de moins en moins fait souffrir.


Et seulement deux semaines plus tard, toujours accompagné de mes compères Rémi et Yannick, je m'alignais sur la ligne de départ de ma course favorite: le mini-trail du Daubenschlag, une course de 12 kilomètres, quasiment 6 de montée, suivis de 6 autres de descente, avec un point culminant au Mont Saint-Michel sur les hauteurs de Saint Jean-Saverne.


Le parcours emprunte les chemins forestiers de grès rose qui me sont si chers. Le temps est à l'orage peu avant le départ, mais il nous épargnera. En forêt, l'air est un peu lourd et humide mais les subtils parfums des pins sylvestres, de la roche affleurante et des mille autres composantes des bois en sont exhalés. Je me sens dans mon domaine, je me sens fort. Quelques connaissances me saluent au départ, et les quelques 300 coureurs s'élancent dans une ambiance amicale. L'an passé, j'avais fini 14ème en 46'31''. Au premier kilomètre, je me place dans le groupe de tête composé d'une douzaine de coureurs. Je flirte même avec les 3 premières places pendant quelques centaines de mètres. Puis le peloton s'étire. Au 3ème kilomètre, je suis 7ème, et je me sens toujours bien. Le dernier kilomètre de la montée est très dur et le coureur qui me suit est vraiment juste derrière. Mais il ne me dépassera pas, je vais au contraire le distancer peu à peu dans les derniers kilomètres de la longue descente, et je passe la ligne d'arrivée 7ème en 46'32''. Que du bonheur, je me suis vraiment fait plaisir lors de cette course, je pourrais l'appeler "la vengeance du marathon". Et je me dis que ce genre de distance me convient vraiment bien.



S'en suivra une sympathique soirée gaufres en compagnie de mes deux-amis coureurs.


3 semaines plus tard a lieu le 10 kilomètres de Sarrebourg. Un parcours assez coriace qui ne permet pas d'espérer battre mon meilleur chrono sur la distance de 35'21''. J'avais tout de même réalisé 35'56'' en 2006.


Mes compagnons coureurs sont nombreux ce jour-là: l'infatigable Rémi, Fred qui signe son retour en compétition, et Emilie qui s'élance pour la première fois(voir photo du haut avant la course). Tous seront satisfaits de leur résultat. Moi aussi. Fanny quant à elle sera la photographe officielle de l'épreuve.


A l'image de la précédente course, mes sensations furent excellentes, mes jambes me semblèrent légères et ont développé la foulée des meilleurs jours. Il me manqua juste un petit quelque chose pour en faire une course de référence: 7ème en 36'07''.




Et depuis je cours toujours, en forêt ou à Narbonne pendant les vacances. Je profite également de l'été pour faire quelques grandes sorties à vélo, notamment avec Ralph, dont l'énergie et l'enthousiasme m'étonneront décidément toujours!


Rémi s'est déjà décidé pour un marathon en 2008, peut-être même encore un fin 2007. Ca ne lui fait pas peur, il adore ça. Et du coup, il me donne envie! Que vais-je décider?


P.S: ami lecteur, si tu te demandes pourquoi la première partie de ce texte est écrite en gras et soulignée, sache que je ne le sais pas moi-même!